• « J’rap encore » : l’album qui confirme l’intemporalité de Kery James

    29 avril 2025

Kery James : un rappeur fidèle à ses engagements

Dès ses débuts dans le collectif IAM et son évolution au sein de la Mafia K’1 Fry, Kery James s’inscrit comme une figure incontournable du rap engagé. Cependant, en 2018, bien des choses ont changé dans le paysage du rap français. Des artistes comme SCH ou PNL dominent les charts, et les tendances de la trap ou de la drill redéfinissent les codes. Pourtant, avec J’rap encore, Kery James choisit de ne pas succomber à ces phénomènes éphémères. Tout en renouvelant son art, il reste fidèle à ses valeurs : la dénonciation des injustices sociales, l’injustice politique et l’appel à la responsabilité individuelle.

Dans ce projet, le poids des mots prend toute son importance. Par exemple, des morceaux comme « PDM » et « Amal » s’inscrivent dans une continuité. Ils prolongent ce que Kery évoque depuis des années : une réflexion sur l’identité, la banlieue et les opportunités offertes à une jeunesse en quête de sens. Mais loin de se complaire dans le passé, J’rap encore traduit un dialogue intergénérationnel, une passerelle entre ceux qui ont grandi avec le 92.512 et ceux qui découvrent le rap aujourd’hui.

Une plume aiguisée et un propos intemporel

Ce qui distingue Kery James dans J’rap encore, c’est cette capacité unique à écrire des textes ciselés, aux punchlines percutantes et aux rimes riches. Prenons, par exemple, la façon dont il scande dans le morceau titre « On fait du rap conscient dans l’fond / Pas du rap qui s’vend ». Avec une simplicité déconcertante, Kery évacue ici toute tentative de compromission artistique. Le succès commercial ne semble jamais être son moteur ; ce qui importe, c’est la force et la justesse du message.

Mais cet album est également marqué par une capacité rare à jongler entre des textes socialement engagés et des moments de profonde introspection. Dans « Amal », l’artiste explore des thématiques universelles comme l’amour et la résilience. Ce morceau, qui raconte le parcours d’une jeune femme confrontée aux jugements, transcende les contextes spécifiques et invite à une écoute universelle.

Des morceaux marquants et une diversité musicale

L’une des grandes forces de cet album réside dans la diversité musicale et narrative qu’il propose. Si certains titres comme « Le mélancolique » rappellent la tonalité sombre et introspective de l’album A l’ombre du show business, d’autres comme « À qui la faute ? » fonctionnent comme des pamphlets politiques, impliquant directement l’auditeur au sein du débat. Cela témoigne également d’un équilibre entre storytelling et engagement pur.

Sur le plan musical, J’rap encore ne se contente pas de revenir à un boom-bap classique. Kery James s’entoure de producteurs modernes tout en conservant une certaine sobriété dans les arrangements. Le résultat ? Une alchimie entre une approche old-school et une modernité qui lui permet de toucher un public large. Cet équilibre se retrouve dans l’accueil critique de l’album : il se classe dans le top 10 des ventes dès sa sortie et obtient un Disque d’or quelques mois plus tard.

Un album ancré dans l’actualité

Au fil de l’album, il est clair que Kery James ne tente pas simplement de réaffirmer sa place dans le rap, mais aussi de réagir à un contexte sociétal bien particulier. En 2018, le débat sur les inégalités sociales est porté sur la scène publique par des mouvements comme les gilets jaunes. Des morceaux comme « La France a besoin d’amour » résonnent avec force : ils viennent rappeler que l’artiste n’est pas déconnecté de son époque, bien au contraire.

En parallèle, Kery James poursuit également son travail de passeur. Avec des collaborations comme celle avec Orelsan ou Youssoupha, il montre qu’il peut créer des ponts avec une génération plus jeune sans renier son identité. Ces alliances stratégiques lui permettent de rester dans le cœur des débats tout en initiant une transmission musicale pour de nouveaux auditeurs.

Pourquoi J’rap encore occupe une place essentielle aujourd’hui

  • Un message universel : L’album s’adresse à plusieurs générations, tant du côté des premiers fans de Kery James que des jeunes découvrant un rapper qui ne banalise jamais ses prises de position.
  • Un équilibre entre héritage et modernité : Sans jamais céder aux tendances superficielles, Kery James parvient à engager une conversation avec un public diversifié, en phase avec son époque.
  • Un artiste polymorphe : Si Kery est intouchable en tant que lyriciste, il est également devenu une figure incontournable du théâtre grâce à sa pièce A vif. Pour lui, l’art est une arme, quelle que soit sa forme.

L’héritage de Kery James : plus qu’un album, un testament

Avec J’rap encore, Kery James ne se contente pas de « rapper encore ». Il délivre un testament artistique et humain. Dans un contexte où la musique tend parfois à la superficialité, cet album rappelle que l’art peut – et doit – naviguer entre le style et le fond, entre le divertissement et l’impact.

Kery n’a pas simplement voulu occuper l’espace avec cet album : il a voulu l’investir d’un poids. Celui des mots, de l’histoire et d’une conscience qui se veut collective. C’est pourquoi J’rap encore demeure en 2023 un pilier du rap français, porteur d’une pertinence intemporelle. Si le rap d’aujourd’hui est souvent en quête de sens, il suffira d’appuyer sur « play » pour retrouver une voix qui fait vibrer plus qu’un micro : une société toute entière.

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