Quand le rap devient le canal d’un discours social inédit
Au début, le hip-hop en Île-de-France porte essentiellement sur le quotidien, l’entre-soi, une forme de poésie brute, des “enjeux micros”. Mais très vite, la prise de conscience collective s’affirme : IAM à Marseille, mais surtout NTM, Ministère A.M.E.R, et Solaar en région parisienne, ouvrent la voie à une verve aiguisée, directe, multiscalaire. Parmi eux, Kery James se démarque par la radicalité tranquille de ses textes.
Autour de 1996-98, alors que les émeutes de banlieues font la une (notamment à Vaulx-en-Velin, Mantes-la-Jolie ou encore Sarcelles), la scène rap prend une couleur politique. L’État durcit sa rhétorique sécuritaire : l’affaire “Sacrifice de poulet” du Ministère A.M.E.R en 1995 cristallise la tension (voir Libération, 1995). Au milieu de cette tempête, Kery James, sur l’album (1998), place déjà au centre la lutte contre le racisme, la critique du mépris institutionnel, l’identité plurielle et la question du vivre-ensemble.
- “Rien n’a changé” dénonce la ghettoïsation et l’hypocrisie médiatique.
- “Hardcore 2” (Ideal J) exprime frontalement la colère après la mort de Malik Oussekine et les bavures policières.
Le rap est un exutoire, mais aussi une vigie : témoin et acteur. Kery James, influencé par la tradition des griots maliens et le spoken word américain, y trouve une matière à la fois intime et universelle pour élaborer un discours qui devient, progressivement, incontournable dans le paysage français.