• Kery James : Au-delà des mots, des actes pour la jeunesse et les quartiers

    19 octobre 2025

L'engagement comme prolongement de l'œuvre : quand la parole devient action

Kery James n’a jamais contenté de fustiger ou de scander la colère des quartiers sur fond de beats. Depuis l’orée des années 2000, l’artiste a franchi les frontières de la scène pour épouser celles des terrains d’action, passant avec une rare cohérence du micro à la mobilisation collective. Plus qu’une simple continuité, ses engagements associatifs matérialisent une conviction profonde : le rap, l’art, n’ont de sens que s’ils se doublent d’une présence réelle, agissante, auprès de ceux dont il porte la voix.

AJC : l’association qui transforme l’engagement en mouvement collectif

Impossible d’évoquer l’action de Kery James sans s’arrêter sur l’association AJC (Actions Jeunes et Citoyens), fondée en 2014. Loin de la multitude d’associations-écrans, AJC s’est imposée comme un véritable laboratoire d’initiatives pour les jeunes des quartiers populaires, à Paris et en banlieue, dans une volonté affichée de répondre aux défis éducatifs et sociaux là où les institutions peinent parfois à aller.

  • Bourses d’excellence : Depuis 2017, chaque année, AJC remet des bourses à des jeunes issus de quartiers populaires, pour soutenir leurs études supérieures. Entre 2017 et 2022, ce sont plus de 35 bourses, allant de 1 500 € à 6 000 €, qui ont été distribuées (France Info).
  • Concours de plaidoiries : Organisé avec le soutien de la Fondation Abbé Pierre, ce concours invite les jeunes à prendre la parole sur des sujets de société, leur enseignant l’éloquence comme moyen de défense et d’émancipation.
  • Rencontres et ateliers : AJC organise régulièrement des rencontres avec Kery James, des ateliers d’écriture, de débat, de prise de parole en public, autant d’outils pour renforcer la confiance et le pouvoir d’agir des jeunes engagés.

Pour Kery James, le geste compte autant que le verbe : en 2023, le rappeur a ainsi fait le choix de reverser la quasi-totalité des bénéfices d’un de ses concerts à l'organisation, une manière de lier fête et solidarité (Le Parisien).

Une vision éducative : l’émancipation par la force des mots et de la culture

Ce qui distingue l’engagement associatif de Kery James, c’est d’abord cette croyance viscérale dans la puissance de l’éducation et de la culture pour changer le destin des jeunes des quartiers. Il aurait pu se limiter à financer des actions, mais refuse la posture du bienfaiteur distant. Pour mieux les comprendre, il va à leur rencontre, infiltre les établissements scolaires ou universitaires, échange avec les lycéens, débat, provoque la réflexion.

Des interventions qui marquent

  • Débats et conférences : Certains mouvements de Kery James, peu médiatisés, l’amènent à se déplacer en personne dans des centres sociaux, des lycées ou des maisons de quartier. Lorsqu’en 2016 il intervient à Nantes dans un lycée après une vague de violences, la salle affiche complet – son discours sur la persévérance, les dangers du repli sur soi et la nécessité de l’engagement citoyen fait mouche auprès des élèves.
  • Construction d’un discours d’émancipation : Il parle sans concession des réalités du racisme, de l’injustice, mais aussi du besoin de s’instruire pour déconstruire les clichés et prendre le pouvoir sur sa vie. En 2021, il offre une masterclass à l’Université Sorbonne Paris Nord, suscitant des échanges transgénérationnels sur l’identité, l’intégration, la réussite scolaire.

Autant d’initiatives qui témoignent d’un engagement quotidien, loin des seules opérations médiatiques.

Des partenariats stratégiques avec la société civile

Loin de croire qu’il peut agir seul, Kery James multiplie les collaborations avec d’autres acteurs sociaux. C’est ainsi qu’il rejoint la Fondation Abbé Pierre dans le cadre d’initiatives contre le mal-logement, ou qu’il soutient l’association Lallab pour la justice sociale et la lutte contre les discriminations. En 2019, il participe à l’opération “L’Eloquence des Banlieues” lancée avec le concours d’Omar Sy et d’autres artistes, pour ouvrir la scène oratoire aux jeunes oubliés des grandes écoles parisiennes (Libération).

  • Appel à la mobilisation citoyenne : En soutien au mouvement “Banlieues Respect”, Kery James cosigne des tribunes pour rappeler l’urgence de l’action contre la précarité et le délit de faciès.

La philanthropie en action : fonds, dons, et soutien financier direct

Kery James n’a jamais fait mystère de l'utilisation de ses revenus et de son image pour soutenir la création de fonds solidaires. En 2020, il reverse une partie du produit des ventes de son single “A qui la faute ?” à des associations de soutien scolaire et d’aide alimentaire aux familles précaires, frappées par la crise sanitaire du Covid-19 (Le Parisien). Cette pratique s’inscrit dans sa volonté de solidarité directe, mais aussi de transparence face à son public, loin des paillettes ou des opérations ponctuelles.

Parmi les chiffres notables :

  • Plus de 100 000 euros reversés par l’ensemble de ses initiatives de concerts solidaires et de dons directs de 2017 à 2022 (Le Parisien).
  • Des centaines de jeunes aidés via les dispositifs de mentoring, ateliers, bourses, ou concours d'éloquence depuis la création d’AJC.

Un impact culturel et social qui dépasse le cadre associatif

Faut-il rappeler que l’engagement de Kery James ne se limite pas à ses propres structures ? En filigrane, son influence rejaillit sur d’autres collectifs issus du rap français ou du champ associatif. Des figures comme Médine, Grand Corps Malade ou Youssoupha s’associent à ses événements (les concerts caritatifs notamment) ou en reprennent le modèle, créant un effet d’entraînement et de mutualisation des forces. En cela, l’action de Kery James tisse une toile durable, bien plus large que son seul nom.

Cette dynamique se retrouve aussi dans son engagement pour la représentation au cinéma (avec le film “Banlieusards” sur Netflix), où il promeut l’estime de soi, la réussite scolaire, l'éloquence et la capacité à sortir des conditionnements sociaux.

Des obstacles, mais une fidélité sans faille au terrain

L’activisme de Kery James n'est pas sans écueils. Il l’a souvent reconnu lui-même : “les institutions nous tendent la main mais il faut leur forcer la porte” (interview, France Culture, 2020). Bureaucratie, manque de relais, ressources limitées, ou scepticisme politique — les freins sont nombreux. Mais là encore, il répond par la persévérance, la ténacité, et un principe évident : “tant qu’il y a des jeunes à relever, il n’y a pas de fatigue” (Le Monde, 2019).

Vers de nouveaux horizons : l’avenir de l’engagement Kery James

Kery James le disait déjà dans le morceau “Constat amer” : rien ne se gagne sans l’effort, ni sur le ring ni à l’école. À l’heure où la méfiance envers les institutions demeure forte dans les quartiers, son action associative, patiemment construite, poursuit sa mue. En 2024, AJC lance de nouveaux chantiers tournés vers l’aide à l’entrepreneuriat, et prépare un projet d’incubateur pour les jeunes porteurs d’idées en banlieue (AJC, communiqué de presse 2024).

L’histoire de Kery James, c’est celle d’une fidélité viscérale : à la banlieue, à la jeunesse, à cette France des marges qui cherche encore la lumière. D’actes concrets en discours mobilisateurs, il donne à voir ce que peut l’engagement artistique — non pas une morale lointaine, mais un viatique de résistance, de transmission et de possible. Les quartiers ont trouvé là un allié qui parle vrai, agit fort, inspire loin.

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