Aux racines de l’exigence : l’émergence d’une conscience
Parmi les figures du rap français, peu peuvent se targuer d’avoir inscrit leur nom dans l’histoire de la contestation sociale avec autant de constance et de rigueur que Kery James. D’Abd al Malik à Médine, de Youssoupha à Kerry James, la scène hexagonale fourmille de plumes engagées. Mais Kery James s’en distingue par une profondeur, une fidélité à ses idéaux, une radicalité tranquille qui a traversé trois décennies sans jamais céder aux tendances éphémères.
Son histoire intime – enfance à Orly dans le Val-de-Marne, héritage haïtien, adolescence traversée par la violence et le manque – nourrit une lucidité rare. Les premiers groupes, Ideal J, puis la Mafia K’1 Fry, sont plus que des passages : ce sont des écoles d’affranchissement. En 1998, le morceau “Hardcore” frappe fort, posant les jalons d’une voix qui ne transige pas avec la réalité du bitume. Mais c’est après la mort tragique de son ami Las Montana, tué en 1999, que Kery James amorce un virage, affirmant une exigence morale portée par la religion et par l’engagement social.