L’alchimie des textes : comment la lecture irrigue le rap de Kery James
Kery James ne lit pas pour le style, il lit « pour comprendre, pour s’armer » (Télérama, 2019). L’impact est manifeste dans la manière dont il construit ses morceaux, utilisés comme des essais poétiques : les lectures deviennent outils d’argumentation, de rhétorique, et souvent matrices d’identification pour ses auditeurs.
Prenons l’exemple de “Banlieusards” (2008), morceau phare, devenu éponyme d’un film : ici, l’écho de l’ouvrage d’Edouard Louis (“Qui a tué mon père”, 2018) est sensible, même si James précède Louis. Tous deux s’accordent sur cet impératif : expliquer, incarner, ne pas essentialiser. L’argumentation, l’adresse directe à l’État, et la convocation de l’Histoire dans la chanson annoncent cet héritage. Ses textes font aussi référence à la philosophie antique, comme Platon et son “allégorie de la caverne”, énoncée explicitement dans “Le combat continue 3” (“Certains refusent de voir parce que la lumière brûle les yeux”).
D’une lecture à l’autre, chaque nom, chaque concept, n’est pas jeté au micro au hasard ; Kery James les manipule et les rend vivants, les réécrit à hauteur de bitume, creusant le sillon d’un rap qui pense sans jargonner.