L’éducation comme résistance : entre politique et poésie
Ce que nombre d’analystes ont parfois du mal à saisir, c’est la façon dont Kery James mêle le combat éducatif à une lecture politique affûtée. Dans “Lettre à la République”, il accuse : “On croit qu’on est des délinquants, c’est pour ça qu’on ne lit plus”. Ici, l’éducation dépasse l’apprentissage scolaire. Elle se fait conscientisation, résistance aux stéréotypes, au racisme intégré, à l’invisibilité sociale.
Ce discours s’inscrit dans une tradition du rap conscient français, mais avec une singularité : Kery James refuse l’opposition binaire entre “savoir académique” et “connaissance des rues”. Il aborde souvent la question de la lecture, de l’accès à la philosophie, à l’histoire, comme armes ultimes. Dans de multiples interviews, il cite Paulo Freire, Frantz Fanon ou Aimé Césaire, attachant la réussite éducative à une histoire de décolonisation des esprits.
À l’heure où 20% des jeunes des quartiers populaires quittent l’école sans diplôme (chiffres INSEE 2021), le message de Kery James s’oppose radicalement à la stigmatisation médiatique. Il ne dépeint pas la “banlieue” comme un vivier de défaillants, mais au contraire comme un réservoir de talents. Aux slogans du “mérite républicain”, il préfère une vérité plus rugueuse : la trajectoire d’un jeune dépend aussi de son environnement. Encore faut-il que le système éducatif cesse d’entretenir ses propres fractures.
- Le taux de chômage des 15-29 ans dans les quartiers prioritaires atteint 28% (Observatoire National de la Politique de la Ville, 2023)
- 40% des bacheliers des quartiers populaires n’obtiennent pas de Licence en 3 ans à l’université (source : Ministère de l’Enseignement supérieur)
Kery James, en révélant ces chiffres et ces réalités dans ses textes, offre une parole rarement entendue ailleurs. On se souvient de sa tribune au “Monde”, en 2017, dans laquelle il plaidait : “Tant que l’excellence sera perçue comme étrangère à nos quartiers, le système sera perdant”.