Vers de nouveaux héritages : comment la littérature décoloniale irrigue durablement la scène rap
L’œuvre de Kery James s’inscrit désormais parmi les catalyseurs majeurs d’une hybridation entre littérature et musique populaire : fer de lance du rap conscient, il a contribué à faire connaître Fanon ou Césaire à une jeunesse parfois éloignée des circuits classiques de la culture. Mais cette influence agit en retour : les nouveaux noms du rap français, de Médine à Lous and the Yakuza, revendiquent explicitement la lignée décoloniale, propulsant le dialogue encore plus loin.
Les chiffres témoignent de l’efficacité de cette contamination culturelle : selon le Centre National de la Musique, près de 40 % des textes de rap programmés lors de la “Semaine de la Mémoire” (2023) faisaient référence, directe ou indirecte, à des thématiques postcoloniales ou à des auteurs issus de ce courant. La littérature ne demeure plus le seul apanage de l’élite : à travers les playlists, les cyphers et les battles, elle redessine le visage de la contestation contemporaine.
Alors qu’une nouvelle séquence décoloniale agite l’espace culturel et politique français, l’influence de la littérature du même nom sur l’œuvre de Kery James apparaît moins comme une posture que comme un fil rouge. Un fil qui relie la mémoire et le présent, la phrase et le flow, le texte et le contexte. Un fil qui, surtout, invite à contempler autrement la puissance des mots, entre héritage et invention, entre révolte et transmission.